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Kenzo, clope, vodka et dépression.
24 mai 2006

Spring ecstasy

hours_copie

journée du 23 mai.

Ce matin réveil à heure correcte, nauséeux et plus que fatigué. Lumière crue et blanche est à peine filtrée par les stores. De fatigue mes yeux sont mûrs et accusent le coup, je pleure donc en fumant ma première clope du jour.

Vingt minutes plus tard je suis dehors, vacillant et presque aveugle. Je tiens juste parce que PJ Harvey m’assure que c’est le jour parfait. En passant devant les vitrines je regarde mon reflet marcher et trouve mon cul bien trop gros et maudit mes gênes négroïdes. Concentrée à fendre la foule, j’essaye d’assurer le pas sans pourtant arrêter d’avoir la larme à l’œil. Je fais le tour des agences d’intérim, sans succès, et rentre chez moi épuisé. La simple idée de manger me terrifie, pourtant c’est avec étonnement que je remarque flotter dans mon taille S. je finis par sombrer dans un sommeil qui me servira de déjeuner.

Quelques heures plus tard, c’est à nouveau moi contre la foule. Toujours ce soleil aveuglant et frais, toujours les gens ridicules en tongs et polo noué autour de la taille, toujours ces camions pleins de touristes qui prennent des photos de lampadaires en plein jour.

J’ai constamment l’impression d’être toisé, jugé, estimé. Je finis par me sentir oppressé, acculé, même PJ ne peut plus rien pour moi, le jour parfait a viré jugement dernier. Biolay et ‘ma chair est tendre’ a pris la relève.

Je fends la foule de plus en plus vite à la recherche d’un refuge, à la limite des pleurs je rentre dans ZARA prend un article au hasard et me réfugie dans une cabine. Je suis donc en possession d’une superbe robe fleurie sur laquelle je retiens mes larmes ému par la douceur de l’étoffe, ému parce que ça me rappelle Hermès, Kenzo, Goyard, Prada et les autres où, encore il y a quelques mois, j’avais mes habitudes. Des rires à n’en plus finir, une supériorité affirmée, des jeux débiles en pleines boutique, une insouciance ferme et un je-m’en-foutisme à toutes épreuves.

Je regrette, à ce moment,  le temps où j’avais plus le temps de pleurer pour cause d’apathie médicamenteuse permanente, je me maudis d’avoir jeté dans la cuvette des toilettes ce qu’il me restait d’anxiolytiques.

Je finis par sortir, les yeux rougis et une casquette comme bouclier contre le monde. Je m’engouffre dans les rues, je fuis sans but erre dans les ruelles et m’arrête devant le ciné l’Odyssée. Ça sonne comme une évidence, de très bons souvenirs m’y attachent.

J’y entre, m’effondre sur la chaise, respire l’atmosphère fraîche du bar, tente de retrouver l’odeur de mes moments passés ici. Mais contre ma chaussure il n’y a qu’un pied de table en métal, sur l’accoudoir seul l’air caresse mon bras, et le film ne parle pas d’une chinoise aux grands pieds.

Le barman arrive et même si je l’ai suivi des yeux c’est sa voix qui me sors de mes pensées. Le terme vodka orange lui fait ouvrir les yeux très grand et son air étonné m’agace profondément. En 20 minutes j’enchaîne trois vodka orange et ai fumé la moitié de mon nouveau paquet de cigarettes.

Je me sens nettement mieux, je dois vraiment avoir un addiction pour cette boisson. La vodka l’éternel placebo.

Je me rappelle que j’ai rendez vous ici dans une heure, et tente d’empoisonner du regard le chien couché à coté de moi, songe à demander à la jeune femme si elle n’avait jamais eu envie de faire piquer son stupide animal, et m’amuse d’un quadra moche qui pense que faire mumuse avec le chien va lui donner de quoi se dégorger ce soir.

Je suis beaucoup plus vif, je murmure les paroles de Biolay : « …je me sens mal, j’ai des complexes, je suis ovale, je suis convexe, je suis fatal, j’ai de beau restes, feu de liesse…ma chair est tendre… », le sourire aux lèvres.

Je décide de sortir et de m’étendre au soleil sur la place de l’homme de fer. Je marche en titubant vers la sortie, le vent fort me frappe en pleine face. Je reprends les bonnes habitudes : je fermes les yeux, démarre d’un coup vif du talon et rejette ma tête légèrement en arrière pour visser ma casquette -ralenti cent images par seconde- j’aurais voulu qu’à mon dos il fusse marqué ‘Fuck You’. Murmures. Ancienne routine.

Quand je réouvre les yeux la claque est énorme.

J’avais oublié comment c’était d’être bourré en pleine journée, j’avais oublié que le soleil paraissait plus doux, plus clair, que la lumière embellissait les choses, que tout autour de soi était comme une vitre fraîchement nettoyée, les reliefs accentués, que je pouvais entendre le bruit de mes pas sur l’asphalte et entendre mon cœur battre. Avoir oublié ça m’amuse énormément, je me dis que la vie est belle sous vodka, et que je n’ai pas été si heureux depuis je ne sais plus quand ; oubliant ainsi toutes ces nuits de crises post euphorie où A. me ramassait à la petite cueillere, me tendant la casserole pour que vomisse mes excès et mes pleurs, m’enveloppait de ses bras pour que je ne tremble plus, que je ne pleure plus.

Au centre de la place, assis, ‘vodkaïsé’ et serein, je regarde les gens passer. La place prend des airs d’arche de Noé humaine : des jeunes moches, des rebeux vulgaires, toutes sorte de couples plus ou moins bien assortis, un couple de vieux qui m’arrache un sourire, des hommes d’affaires, des pères avec famille, des touristes qui s’acharnent sur un réverbère éteint, des pétasses branchées, des pouffes gothiques, des pétasses en devenir, des putes accomplies et les bellâtres qui vont avec, beaucoup de gens avec des sachets de courses et encore un couple de vieux qui m’arrache un sourire attendri. je m’amuse à compter d’après ce qu’ils laissent apercevoir combien d’entre eux ont l’air parfaitement ridicules et combien d’entre eux portent des contrefaçons, combien ont l’air dépressifs ou stressés, combien vont se retrouver seuls ce soir avec leur paquet de pâtes Lafayette gourmet.

Je remarque un gosse de trois ans assis juste à coté de moi, essayant d’imiter ma façon de m’asseoir, et qui me regarde avec ses grands yeux bleus. Je suis frappé par la douceur de son visage, la beauté de ses traits. Il me parle et mon cœur fait un bond, j’enlève mes écouteurs et lui répond sous le regard amusé de sa jeune et joli maman. Je me demande comment cette dame ,jolie certes, mais un peu vulgaire avait pu mettre au monde un tel amour. Un parfait angelot de trois ans avec un visage rond juste ce qu’il faut, une blondeur qui rayonne au soleil, et une bouche vermeille en cœur fendu émouvante de beauté.

Je lui cède mes écouteurs en baissant le volume pour ne pas qu’il ait mal, je change de musique et trouve la seule chanson douce de mon MP3, le regarde taper en rythme sur son petit ballon jaune et me sourire comme seul cet enfant peut le faire. A partir de ce moment là, je n’ai pas arrêté de le suivre du regard, je m’inquiétais de le voir disparaître quelques secondes quand il courrait entre les passants pour récupérer son petit ballon jaune, j’avais peur qu’il ne se fasse mordre par le chien de la connasse à coté, je faisais attention au vent pour ne pas qu’il inhale ma fumée. A chaque retour il revenait s’asseoir à coté de moi, parfois me regardant en souriant, parfois posant sa tête sur mes genoux. Je savais que j’attirais les enfants, je n’ai jamais compris pourquoi, les enfants n’aiment ils pas les gens sains ?

Je me suis mis à aimer cet enfant, à pousser son petit ballon vers lui quand le vent l’emportait, à lui sourire naturellement, à lui faire des grimaces, même à échanger quelques mots avec sa mère.

Il était clair que si A. décidait un jour d’avoir un enfant je ferais tout pour être un bon tonton. Et je me mis à penser à un garçon, j’avais envie d’un petit garçon.

En le regardant jouer je faisais la somme des choses que je savais faire pour un bébé, de la température adéquate pour les biberons à toutes les berceuses que je connaissait. Ils partirent au même moment que moi, et avant que l’on prenne des chemins divergents il me fit un sourire. J’avais envie d’un enfant et cette pensée acheva mon euphorie alcoolisée, un gosse qui aurait besoin de moi, aux yeux duquel je me sentirais indispensable, un gosse qui m’aimerait tout court, un gamin comme assurance d’un amour éternel.

Seul et subitement malade je retournais à L’Odyssée.

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Commentaires
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"un gamin comme assurance d'un amour éternel" : quel beau programme pour l'enfant. "Toi, mon fils, tu m'aimeras toujours ! Et je t'ai conçu pour que tu m'aimes. Donc, si tu ne m'aimes pa, ou si tu doutes seulement de ton amour pour moi, tu te sentiras coupable, tu te considèreras comme un mauvais fils, comme un mauvais homme !" <br /> Et si c'était l'inverse ? Si les fils venaient au monde pour s'opposer à leurs pères ? Pour les haïr, pour les combattre... et pour les dépasser ? Aussi bien Jésus que Nietzsche l'ont dit : les fils s'opposeront à leurs pères, les pères renieront leurs fils. Zarathoustra ne cherchait pas des disciples, mais des adversaires à sa mesure.<br /> Je ne suis pas nietzschéen ni zoroastriste, mais je pense que, dans une certaine mesure, c'est un signe de bonne santé du fils que de s'opposer à son père (pourvu qu'il le fasse intelligemment et que son père l'ait préparer à cela...).<br /> P.S. : J'utilise "père" et "fils" par réflexe masculin et par commodité biblique, mais je pense que cela vaut pour les deux parents et pour les enfants des deux sexes.
M
tes mots qui manquaient à l'appel.<br /> ça faisait un mal de chien.<br /> on reste là. à lire et à lire et à lire jusqu'à ce que les yeux ne montrent plus que du flou. pas besoin de sortir les grands mots pour voir qu'à l'intérieur ça vibre.<br /> fermement accroché à ça. fermement accroché à toi. en se disant qu'il y a de quoi y croire.
J
Pourquoi tant de haine envers ce chien ? T'as bien de la chance, moi les gosses je les aiment pas, ils me mettent mal à l'aise, comme les clowns ou le père noël...<br /> Tiens bon M...<br /> <br /> Ps. : Moi aussi hier j'étais ivre, mais j'ai pas fait exprès :-<
X
Je lis ce texte et mes impressions sont contradictoires : ton style s'améliore, ou plutôt : se rapproche de ce que j'entends par un bon style, une écriture qui cherche à rendre compte d'une expérience réelle (et non un jeu gratuit sur les mots, une pose); mais ton état, lui, n'a pas l'air de s'améliorer. Ou plutôt si, il s'améliore : est-ce moi ? est-ce l'amour ? est-ce ton changement de situation ? ton regard sur le monde a changé, s'est apaisé, et devenu plus "réaliste". Mais on part de loin : sentiment dépressif persistant, vodka tout aussi persistante : d'où ça vient ? à quoi tu penses ? qu'essaies-tu d'oublier dans l'ivresse ? Tu donnes des bribes de réponse, j'en connais quelques autres, mais ça ne change pas grand chose, de savoir, si c'est pour contempler de loin ton lent naufrage...
C
je crois que de toute façon, PJ harvey s'adressait à une certaine Elise. On est donc deux à avoir cette addiction pour la vodka. xxx
Kenzo, clope, vodka et dépression.
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